Chained for Life

“Something mesmerizingly close to the sensation of a waking dream”

Calum Marsh, VILLAGE VOICE

Sur le plateau d’un film d’horreur aux prétentions artistiques, réalisé aux États-Unis par un grand auteur européen, la coquette actrice hollywoodienne Mabel (Jess Weixler, du film culte TEETH) avoue en être au-delà de sa zone de confort. Elle tient le rôle d’une femme aveugle et le film qu’elle tourne — déjà soupçonné par les médias d’être de mauvais goût — traite explicitement de difformité. La production a même engagé plusieurs acteurs handicapés, dont Rosenthal (Adam Pearson, vu dans UNDER THE SKIN et DRIB), un comédien soucieux, doté d’une déformation faciale majeure. Mabel peine à s’identifier à lui, et tandis que leurs personnages se rapprochent devant la caméra, que les acteurs font de même derrière celle-ci, et que l’équipe de tournage marche sur les œufs de la rectitude politique, d’étranges rumeurs commencent à circuler sur l’hôpital abandonné qui prête son décor au film. Les limites entre la réalité et la fiction, la représentation juste et le cinéma d’exploitation, deviennent excessivement poreuses…

Aaron Schimberg est de retour au Festival suite à la révélation de l’unique conte DIY GO DOWN DEATH (présenté dans la section Camera Lucida en 2013). Avec CHAINED FOR LIFE, un triomphe esthétique au chic rétro indéniable, évoquant des films comme LES YEUX SANS VISAGES et autres classiques du cinéma de genre, l’iconoclaste cinéaste new-yorkais signe un film sur le cinéma dans la tradition de LA NUIT AMÉRICAINE de François Truffaut. Sur le ton de la comédie noire, il démontre habilement les notions de « différence » habituellement véhiculées par le cinéma commercial, et offre une exploration habile, de même qu’une réfutation fouillée, de la dynamique de « freak show » qui accompagne trop souvent les films portant sur le handicap. De FREAKS à THE ELEPHANT MAN, par exemple, c’est tout un pan du cinéma fantastique qui est remis en question, dans un film puissant et réflexif, confirmant Schimberg comme étant l’un des cinéastes américains indépendants les plus prometteurs du moment. - Ariel Esteban Cayer